Samson BERHANE
©Justine Nerini
Samson BERHANE
par Marion Saive
Placardée sur la porte vitrée, l’affiche de Biniam Girmay, cycliste érythréen entré dans l’Histoire après avoir remporté le maillot vert du Tour de France 2024, accueille les clients à l’entrée.
Dans son restaurant d’une trentaine de couverts de la cosmopolite rue Paul Bert (Lyon 3), Samson Berhane met en avant la cuisine de son pays natal, l’Érythrée (1).
Installé depuis 2021 dans ce local retapé à vitesse grand V avec l’aide d’amis fidèles, le doux gaillard de 36 ans a réalisé son rêve d’ouvrir son établissement.
« J’ai galéré pendant six ans avant que tout ça ne devienne réalité. Je suis très content parce que je n’ai aucun crédit à la banque », annonce fièrement l’heureux gérant d’Asmara – il a rebaptisé son échoppe du nom de la capitale de l’Érythrée, cette « perle » de la corne africaine qu’il a quittée en 2015 après la mort de son père dans le conflit armé avec l’Éthiopie.
Messages de clients écrits au feutre blanc, krar et autres instruments de musique traditionnels, paniers tissés bigarrés et photos sépia des lieux de son enfance ornent les murs noirs du restaurant.
Après un long périple de trois ans par la Grèce, l’Albanie (où il est resté emprisonné un certain temps), le Monténégro, la Serbie puis l’Italie, Samson a gagné la France il y a près de dix ans. Précieux médiateur social, lui qui bascule sans souci du français à l’anglais au tigrinya, le cadet de la fratrie Berhane a travaillé pour différents organismes d’accueil de réfugiés et demandeurs d’asile entre Marseille, Paris et le Pas-de-Calais. C’est au sortir du Covid, ne pouvant retourner en Érythrée pour rendre visite à son grand-frère, ainsi qu’à sa mère et sa petite soeur en Ethiopie, qu’il décide d’aller voir des amis à Lyon. Et tombe sur ce commerce à rénover, non loin de snacks indiens, afghans et libanais. « Tout l’argent que j’avais économisé jusque-là, je l’ai utilisé pour racheter ce restaurant. Pendant un an et demi, j’ai dormi au pied du comptoir, je cuisinais tout seul », relate Samson.
Lui qui proposait des omelettes-haricots verts dans son fast-food d’Asmara, prisé des diplomates français, décline désormais toute la palette de la cuisine érythréenne pour le plus grand plaisir des Lyonnais. Comme le ga’at (bouillie à base de pâte de farine de blé, trouée au centre et remplie de piments, de beurre clarifié et de yaourt), le zigni (ragoût de boeuf, tomates et berbéré soit un mélange d’épices marquées et pimentées), le shiro (purée de pois chiches), ou encore le gored gored (boeuf cru mariné au beurre et aux épices).
« L’Érythrée est collée à la mer Rouge. J’aimerais rajouter des brochettes de poissons et des fruits de mer à la carte pour rappeler ce côté-là aussi », ambitionne Samson. Qui aura peut-être l’occasion de tester cette formule à l’occasion du Refugee Food Festival, en doublette avec l’équipe du Troquet (Lyon 2).
Son premier rêve accompli, il caresse l’idée de monter un jour « un food court tenu par des réfugiés, où il y aurait plein de cuisines différentes pour venir manger pas cher et donner sa chance à tout le monde ».
*(1) Ancienne colonie italienne et longtemps province éthiopienne, l’Érythrée est indépendante depuis 1993.*
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