Layal KHATIB
©Justine Nerini
Layal KHATIB
par Anne-Liesse Persehaye
Si une grande douceur émane de Layal Khatib, c’est bien la détermination qui caractérise son parcours de femme réfugiée et de cuisinière. Lorsque Daech a pris le contrôle de la ville où elle habitait, Raqqa, elle a dû quitter la Syrie. C’est à Lyon qu’elle arrive, en 2016, avec son mari irakien, ses enfants, ses parents et ses 3 frères. La famille, qui compte alors 12 personnes, partage un appartement de 54m² et recrée d’emblée la cuisine de son pays.
Pour Layal, qui a vécu à Oman avec son mari, où elle enseignait l’arabe, la nourriture est une manière à la fois de construire son identité et de créer du lien, avec ses voisins notamment. Son frère Mhiar et sa belle-sœur Roba montent rapidement La Petite Syrienne, un service de restauration de cuisine syrienne traditionnelle d’abord installé aux Grandes Voisines, à Francheville, puis à Bron. Layal y contribue en cuisinant les desserts mais elle aspire à autre chose : la Levantine est née !
Cet adjectif, levantin, qui fait référence aux habitants du Proche-Orient, et non à la seule Syrie, révèle l’aspiration de Layal : construire un projet qui lui est propre, qui parle de ses origines mais aussi de la femme qu’elle est, une femme voilée et ambitieuse. Son service de traiteur événementiel sera à l’image de sa nouvelle vie en France : à base d’ingrédients locaux, bio, de saison et mâtiné d’Orient. La cuisinière (elle réfute le terme de cheffe) se forme sur le tas auprès de chefs, multiplie les rencontres et les occasions de pratiquer.
« Mon but est d’apprendre tout le temps, par tous les moyens.
J’ai eu tellement de chance dans mes rencontres en cuisine. »
Au départ, Layal n’a rien : pas de matériel, pas de cuisine, pas de voiture, pas de visibilité. Elle utilise la cuisine de son frère pour commencer à préparer ses premiers plats à livrer, se déplace avec son caddie de supermarché et construit peu à peu son réseau. En 2021, elle participe au programme d’incubation de l’association SINGA : un coup de pouce apprécié pour la création de son entreprise. L’association ERIS, qui soutient l’insertion des personnes réfugiées, met aussi un lieu à sa disposition où cuisiner.
Layal a déjà participé deux fois au Refugee Food Festival : en 2022 avec La Petite Syrienne et en 2023, où elle a préparé le buffet final aux côtés de Steven Thiebaut-Pellegrino, alors patron de Morfal. « C’était une magnifique occasion d’apprendre de nouvelles techniques et de monter en compétences », se souvient-elle. Son kebbé, boulette de viande et de boulghour, reste dans les mémoires de celles et ceux qui l’ont dégusté ce jour-là, comme son sourire, communicatif.
La cuisinière syrienne a désormais sa propre cuisine, aux Gratte-Ciel, à Villeurbanne. Elle envisage d’acheter une voiture pour transporter ses plats. Mais ce qu’elle veut surtout, c’est continuer d’apprendre, d’évoluer, de multiplier les expériences, comme cette collaboration établie avec le festival Les Jumelles, à Rochefort, où elle cuisine pour des centaines de personnes. « Je ne veux pas qu’on me juge sur mon apparence. Je veux être une cheffe qu’on respecte », conclut-elle.
Découvrir d’autres parcours
Kianoosh KOKABIDANESH
©Manghja Serena Angelipar Marion Saive Italienne, turque, française, libanaise, iranienne… Kianoosh Kokabidanesh jongle avec les cuisines du monde. Originaire de Téhéran, où il a tenu un petit restaurant pendant dix ans, ce chef perse au look rock, catogan poivre et...
Samson BERHANE
©Justine Nerinipar Marion Saive Placardée sur la porte vitrée, l’affiche de Biniam Girmay, cycliste érythréen entré dans l’Histoire après avoir remporté le maillot vert du Tour de France 2024, accueille les clients à l’entrée.Dans son restaurant d’une trentaine de...
Samir HADID
©Justine Nerinipar Marion FavreSamir Hadid est le fondateur de “Cuisine Damascène”, traiteur et vente à emporter de cuisine syrienne dans le Beaujolais. Après avoir quitté la Syrie en guerre et vécu au Liban pendant 5 ans, Samir et sa famille rejoignent la France en...